vendredi 25 janvier 2008

240108 – Mysore


15h

Edgar et Théodore jouent avec Aroun et Briac, le fils de Magali, qui vient d'arriver en compagnie de son père, natif du Chili et de son amie, Nicaraguayenne. Ils avaient déjà été marqués par la rencontre d'enfants expatriés à Bali, en particulier par le fait qu'ils parlaient plusieurs langues. Briac fait aussi partie de ces enfants qui, très jeunes, évoluent dans un environnement multilingue. Il s'agit pour lui du français, sa langue maternelle, de l'espagnol, sa langue paternelle, de l'anglais et de l'hindi, ses langues scolaires. Cette rencontre a sur eux un effet considérable, dans la mesure ou ils perçoivent nettement sa capacité à jouer aussi bien avec eux qu'avec Aroun, en l'occurence, avec qui il parle en anglais ou en kanada (dont il possède aussi quelques bases). La langue est une frontière. Et il ne suffit pas de pouvoir partir à l'autre bout du monde si on est pas capable de franchir cette frontière là. Soyons clairs : personne ne parle le français. Je les entends rire de concert alors qu'ils visionnent un film en anglais ; et j'imagine que c'est par ce type d'expérience qu'ils prendront confiance dans leur capacité à rencontrer la différence.



On est forcément destabilisé, quand on débarque dans un tel environnement. On doit choisir entre le repli sur son identité connue ou le saut dans une forme d'inconnu, qui prend trop souvent le visage de la peur du ridicule. Bien sur, à un certain niveau de rencontre, la langue peut devenir une barrière indépassable si on ne la maîtrise pas un tant soit peu.

La richesse du voyage, telle que j'aime à la vivre, vient pourtant de ce moment ou on sort de son univers connu pour essayer de pénétrer celui d'autrui. Les interactions se multiplient, des connexions apparaissent, et mon univers se place sous de nouvelles perspectives. C'est à ce moment là qu'on reproche souvent aux français de ne pas accepter cette mise en question. J'aurais toujours à l'esprit cette série d'aphorismes découvertes dans le café des poètes surplombant le marché de Dalat (Vietnam), qui décrivait chaque nationalité par un trait particulier : « the French who knows better than everyone »...

Du fait de l'affluence dans la maison, nous avons tardé à lever le camp. Sans projet précis, et comme la matinée avançait, nous décidâmes de nous rendre au Mylari, un restaurant réputé ne servant que des dosas. La gargotte ne paye pas de mine, et on s'y prend à deux fois avant d'y rentrer. Finalement, ils sont savoureux et ressemblent vraiment à de grosses crèpes, mais servies avec des chutneys. Nous partons ensuite à la recherche d'un magasin d'antiquités. Malheureusement pour nous, personne ne semble connaître la rue, non plus que le magasin. A force de tourner en rond, nous devrons accepter l'aide d'un rickshaw, et alors que nous décidions finalement de nous rendre dans le centre, nous passâmes devant le shop, qui ressemble plus à une fabrique. L'un des menuisiers présent appelle la propriétaire, et à l'aide de recommandations, elle consent à ce que nous pénétrions dans l'entrepôt. Il faut que j'y revienne avec la propriétaire, qui seule, fixe les prix.


Mon cher beau-père a une lecture attentive, et il vient de s'enquerir du fait qu'aucun de mes textes n'abordait le système des castes

Je cite : « A votre retour, je pourrais vous prêter le livre d'EVE CHARRIN ." l'inde a l'assaut du monde", car il décrit bien les axes de développement de ce pays, par rapport à la CHINE . A ce dernier la fabrication bon marché, à l'INDE la matière grise avec le développement de certains ilots tournés vers l'avenir, au milieu d'un pays aux structures ancestrales. Nous verrons comment vont se développer dans l'avenir le pays du BRIC: BRESIL, INDE, et CHINE. »

Comme me le disais un français au discours désenchanté après ces 12 séjours en Inde, la seule chose qui a changée en vingt ans, c'est le portable, la télé et les voitures, qui se multiplient. Pas seulement d'après ce que j'en vois. Les industriels de la promotion immobilière sont aussi très présents, mettant en avant des programmes de constructions modernes, en vantant de nouvelles façons de vivre. Incidemment, les programmes télévisuels sont inondés de publicités, de même que les mobiles, sur lesquels vous recevez très régulièrement de nouvelles offres. La famille modèle offre une image certes très éloignée des indiens que nous avons cotoyés jusqu'à présent. Néanmoins, dans la mesure ou aucun programme d'aide ne vient à la rescousse des individus, on assiste à une véritable lutte pour la survie et de plus en pour certains, à consommer. Cela dit, l'énergie dépensée est la même. Cependant, les dieux restent omniprésents, quelque soit le lieu où vous vous trouvez. Visiter un temple renommé revient à faire une queue interminable, le long de laquelle sont placées des urnes. La qualité de vos dons vous donnent un accès plus ou moins restreint au sanctuaire, gardé par des brahmanes. Et lorsque vous vous présentez pour présenter votre puja, c'est à peine si on vous en laisse le temps que des policiers vous poussent vers la sortie. Et encore, nous ne nous sommes pas retrouvés dans de grandes fêtes religieuses réunissant des milliers de pélerins. Certains attendent pendant plus de 24h avant d'être poussés comme du bétail vers le sanctuaire. Bien sur, les arrêts cardiaques, les syncopes pour cause de déshydratation sont fréquentes.

Alors oui, cette Inde là persiste, insensible au reste du monde, trop consciente de sa spécificité et du fait que l'étranger l'est radicalement.


jeudi 24 janvier 2008

230108 – Balla Krishna Road


9h15

A 6h30 ce matin, le bus était vide, et le controleur n'avait pas de monnaie à me rendre sur mes 50 Rps. Nous étions en route avec Edgar pour l'ouverture du marché.

Un brouillard matinal rendait encore plus fantomatique la ville à peine réveillée par les premières lueurs du jour. L'impression de vide domine quand nous arrivons sur la grande place qui fait face à l'ouverture principale du marché. Nous prenons notre premier tchaï pour nous mettre en train et rentrons. Le moment est propice pour une promenade nonchalante.

Les étals se découvrent au fur et à mesure de l'arrivée des gros sacs en toile de jute, rempli des denrées. C'est à cette heure matinale qu'on comprend pourquoi des poteaux ont été installés à chaque entrée du marché : ils empêchent les chariots de rentrer et d'encombrer les allées. Cela dit, comme le marché est en plein centre ville, je me demande d'où ils arrivent ; peut-être de la gare ?


22h10

Même à une heure aussi matinale, les visages exigent un premier sourire avant de s'ouvrir. La vue d'un blanc ne suscite pas la curiosité, loin de là. Le marché de Mysore s'est taillé une réputation qui lui vait d'être visité par tous les groupes de touristes qui passent dans la région. Ainsi, les marchands d'encens et de parfums connaissent-ils quelques mots de chaque langue, et vous abordent systématiquement pour vous vendre leurs produits. Les autres, dont le commerce porte sur les fruits, les légumes et les fleurs ne sont concernés qu'indirectement, si bien qu'ils ont plutôt le sentiment, je pense, d'être pris pour des bêtes de foire ; sachant que les touristes indiens, eux, ne viennent pas à Mysore pour le marché, mais pour le palais, les jardins, les lacs, et la douceur du climat. Bref, c'est un endroit qu'il aurait fallu connaître il y a dix ans ou plus. Dans l'immédiat, si je veux rentrer en contact avec la population du marché, il va me falloir y retourner plusieurs fois encore.

Quoi qu'il en soit, nous avons pris du plaisir avec Edgar, à nous retrouver dans cette ambiance, buvant plusieurs tchaï à la suite, savourant un bon masala dosa avec les travailleurs du matin. J'ai été impressionné par la machine qui leur permet de faire le chutney à la noix de coco qui accompagne la plupart des plats.

Rentrés à 9h, au moment ou Séverine et les enfants terminaient leur breakfast, nous pouvions nous préparer pour la sortie du jour : le zoo ! L'exitation était à son comble. Le zoo de Mysore est en effet considéré comme l'un des mieux tenu de l'Inde. Il présente en outre plusieurs espèces d'animaux, dont plusieurs félins, que nous attendions avec impatience. Autant le dire tout de suite, le spectacle fut au rendez-vous.

Je ne dresserai pas une liste exhaustive, mais je garderai en mémoire un beau toucan, le cri féroce d'un tigre blanc assailli par un de ses congénère, le velouté du pelage d'un léopard, la parade amoureuse d'un hypopothame, la stupéfiante ressemblance d'un grand chimpanzé à la peau glabre avec l'homme et la magnifiscence d'un grand éléphant mâle d'Afrique.

C'en est assez ! Nous passâmes quand deux bonnes heures au moins à nous promener à l'ombre des grands banians, les enfants se délectant de tant de surprises, et ne patissant pas de la chaleur.

Nous retournâmes ensuite dans le centre pour déguster un bon tali au triple R restaurant, dont les currys sont parmi les meilleurs de ceux que j'ai goûtés jusqu'à présent. Je demandai un dernier effort aux enfants pour me rendre à la librairie, où nous fûmes plutôt déçus. Je ne trouvai pas les livres d'architecture que je recherchais, ni le livre de cuisine qui nous aurait inspiré. Néanmoins, et presque par dépit, alors que je m'enquerrai de livres portant la tribu des Kadars, et qu'ils n'avaient pas, on me trouva l'autobiographie d'un anglais, ne a Bangalore, ayant travaille dans des plantations de cafe en Papaousie et dans quelques forêts indiennes. We will see !

Pas de coupures de courant ce soir. Pas besoin donc de sortir les bougies...


mercredi 23 janvier 2008

22 janvier 2008 – Mysore Palace



17h

Trois jours n'auront pas suffi pour que la topographie de Mysore me soit devenue familière. Chaque ville possède ses propres repères, qu'il faut rapidement visualiser, mémoriser et agencer afin d'organiser l'espace et s'y mouvoir aisément. Il importe en plus de se fixer sur les repères que les habitants utilisent de manière à se faire comprendre aisément. Les noms et numéros de rues sont ainsi essentiels à New-York, comme les quartiers à Paris. Ici, le plan est certes important pour s'orienter, mais il ne fournit pas toujours les lieux ou monuments dont les locaux se servent. Vous avez ainsi tout intérêt à connaître le restaurant, ou la citerne, ou le poste de police qui vous permettra d'accéder à une rue dont le rickshaw ne connaîtra pas le nom. Le problème à Mysore, c'est le nombre de rond-points, qui servent de base au reprérage. Donc, une fois mémoriser le positionnement du Market, du City Bus Stand, du Palace et de ces portes d'entrées, il faut impérativement se farcir les « circles »... J'en suis là ! Le dédale des rues m'a aussi surpris ce matin, ce qui fait que nous avons tourne en rond sans aboutir au lieu que je m'étais fixé, la librairie Ashok Books Store. Nous avons marché pendant plus de quatre heures, les enfants étaient terrassés.


Nous avons démarré notre promenade par la visite du palais. Après nous être déchaussés, nous avons monté quelques marches pour découvrir une vaste salle d'apparat. Il me sera difficile de rendre le faste de cette pièce, et du palais dans son ensemble. Une grande verrière composée d'une multitude de motifs sur le thème du paon, surplombe le centre de la pièce, à une hauteur de 12 m environ. Deux galeries superposées donnent sur ce puits de lumière. On imagine que des appartements privés débouchent sur ces coursives. Elles sont soutenues par de hauts pilastres en bois, allant par groupes de trois, et recouverts d'une peinture turquoise. Les murs, transpercés de portes en bois sculpté, sont recouverts dans leur totalité par une fresque qui illustre un défilé militaire et d'autres événements ayant marqué le règne du maharadja Moyeimar IV, dans les années trente. Nous sommes subjugués par la finesse de la réalisation, par les détails sur des scènes où se cotoient des dizaines de personnages. Une notice accompagne les tableaux, réalisés sur des toiles marouflées, qui permet d'identifier la fonction et/ou le nom de chaque dignitaire représenté. C'est tout simplement magnifique, tant dans le rendu, que dans la restitution d'une époque où le sens de la beauté était réellement une exigence pour tout ce qui entourait le pouvoir.

Nous en avons une autre preuve lorsque nous franchissons des portes entièrement réalisées en marquetterie. Les dessins sont là aussi d'une finesse impressionnante, l'ivoire cotoyant le bois.

Nous sommes d'autant plus marqués par ce travail que nous avons rencontré Eric, un canadien installé à Mysore, qui pratique ce type de marquetterie. En visitant son atelier, nous avons un un petit aperçu de son travail : une salle à manger complète ainsi qu'un cabinet de travail, avec des dessins en marquetterie réalisés en nacre et en bois.

EN fait, ses clients sont désormais les nouveaux tycoons indiens qui se font construire des palais. Ils reproduisent dans des lignes plus modernes ce que les maharadjas faisaient à leur époque. Les lustres du palais de Mysore sont en baccara ou viennent de chez Murano. Il insiste sur le fait que ces marquetteries sont réalisées conformément à la tradition des ébénistes français, mais que ce ne sont pas des placages. Au lieu d'une feuille de bois collée, ils réalisent tout en massif de 3 mm pour les meubles et les plafonds, et de 6mm sur 12 de contreplaqué marine pour les parquets. Les budgets sont exhorbitants, et hors de portée de la plupart. J'ai hâte d'en découvrir plus sur une activité que les prix de revient ont rendu rarissimes en France. Petite pensée pour Jean-Luc qui nous avait fait découvrir le métier d'ébéniste.

Nous retiendrons en outre la galerie de portraits, évoquant ces images de rêve des maharadjas. Les vêtements, et les saris en particulier, sont splendides.

En sortant, nous longeons l'enceinte du palais pour trouver une porte qui nous rapproche de l'accès au marché (ma librairie est derrière). Nous retrouvons les éléphants, et les cornacs invitent les enfants à venir les toucher. Séquence émotion.


Est-ce que nous pourrions vivre en Inde ? Je m'y verrais assez bien, même si, évidemment, nous voyons les choses par le bon coté de la lorgnette.

Le marchand de meuble de Kochi me rappelle de temps à autre. J'irai le voir lors de notre passage en redescendant vers Varkala. J'ai rencontré un transitaire, avec qui j'ai sympathisé, et qui pourrait se charger d'organiser le fret. On verra.

On rencontre aussi beaucoup d'informaticiens, pouvant réaliser des sites web pour des prix très compétitifs.

....

!!!


Live in India...


A Mysore, les gens viennent pour devenir professeur de yoga. Un bon business à ce qu'il semble.

lundi 21 janvier 2008

Ballal Circle, Mysore




200108 – Mysore

1184, Ballakhrishna Road

16h

Séverine me disait à l'instant que nous avions quitté un monde d'innocence en terminant notre séjour chez Johnson. Et nous voulons vraiment établir un trait d'union avec ce sentiment de paix que nous avons connu là-bas.

Pour le moment, nous débarquons dans une ville plutôt sympa. C'est « la »ville du yoga, l'un des plus beau marché en Inde, qu'il me tarde de découvrir, et l'un des centres de production du bois de santal, avec lequel on fabrique l'encens, notamment.

Edgar et Théodore ont fait la connaissance d'Aroun (the driver of the sun), 10 ans, dont la famille habite une dépendance de la maison. C'est un garçon dégourdi au regard malicieux. Il nous offre un contraste saisissant avec les enfants que nous avons cotoyés cette semaine. Comme il parle anglais, les garçons sont stimulés comme jamais.

Atar, Mauritanie

« Avez-vous les Indiens ? m'a demandé le fils de l'émir d'Adrar.

- Oui.

- C'est un village ou quoi ?

- Non, dis-je. C'est un des plus grands pays du monde.

- Tiens ! J'ai toujours cru que c'était un village. »

Bruce Chatwin, dans le «Chant des pistes», se retrouve prisionnier de crues soudaines et en profite pour reprendre ces carnets de notes, afin d'en poursuivre la synthèse en vue d'un livre sur les nomades.

Je m'arrête sur cette citation, essentiellement pour ce qu'elle me rappelle. Je me suis moi aussi retrouver à Atar, il y a une quinzaine d'années, invité par un ami Sahraoui, Karim Ould Derwich. Je profite de la lecture de ce passage pour mentionner ce voyage, car il me revient souvent en mémoire ces jours ci. Je crois bien que c'était la première fois que je mangeais avec mes mains, assis sur le sol, partageant le couscous local (une sorte de blé pilé mélangé à des épices et du mouton) dans le même plat. J'ai retrouvé certaines de ses saveurs avec le « muton byriani », dont je ne me lasse pas. A fortiori quand il est servi sur une feuille de bananier, comme c'est souvent le cas dans le Karnataka.

Je retrouve aussi chez Chatwin l'un des thèmes récurrents de mon voyage en Inde : Abel versus Caïn, le pasteur (donc le nomade) tué par son frère le sédentaire, le paysan, le citadin. Je le retrouve dans une version plus classique dans cette lecture que dans mon précédent livre, « La famille royale », de Woolmann. Un roman qui situe cet afronttement dans une ville de San Francisco désenchantée, celle des bas-fonds. Là où l'humanité cotoie trop souvent la souffrance. Pas drôle du tout, et trop violent. Ce qui s'offre à moi maintenant est beaucoup plus digeste.

23h

L'installation d'un antivirus a démultiplié la virulence des bestioles qui se terrent dans mon cher ordinateur. Il m'a fallu interrompre l'activité du médecin pour revenir à mon texte.

Comme tous les dimanches, le palais des Maharadjas de Mysore (la dynastie des Wodeyar régna presque sans discontinuité de 1399, dâte de la création du royaume, jusqu'en 1947), s'illume de 19 à 20h. Ce ne sont pas moins de 97000 ampoules qui donne à ce palais un aspect féérique et enchanteur. Nous reçumes à ce moment là un coup de téléphone qui nous fît bien plaisir...

Nous continuâmes notre chemin à la recherche du grand marché. Fort heureusement, nous le trouvâmes sans trop de difficulté, alors que les enfants commençaient à trainer des pieds. Hortense pestant contre le fait que nous ne soyons pas rentrés dans le palais.

C'est le parfum des fleurs et la couleur de celles-ci mélangées à celles des pigments qui font la plus forte impression quand on entre dans le marché, et bien qu'il fasse nuit. Nous avons hâte d'y retourner le matin, d'autant qu'il ouvre à 5h.

Pour une fois, le Lonely Planet nous a fourni une bonne adresse, le « RRR Hôtel ». Les thalis et les currys surtout, les byrianis et le service étaient au rendez-vous. Une vraie cantine comme on les aime, avec du mouvement et des bons cuisiniers.

Les enfants ont désormais adopté les usages du pays pour les repas : nous nous asseyons, et avant toute chose nous nous rendons en direction du « wash ». Il s'agit bien sur de l'endroit oû vous trouverez une évier, de l'eau et assez souvent du savon. Vous secouez vos mains et passez votre commande. Nous n'avons plus besoin d'expliquer la nature des plats, pour ceux que nous prenons le plus souvent, évidemment. Edgar et Théodore sont en mesure de faire leurs propres choix. Seul Théodore manifeste encore des signes d'inquiétude quand à la quantité d'épices auquel son palais va devoir faire face. Mais il ne renonce pas et montre de la patience pour s'accoutumer. Edgar est beaucoup plus à l'aise, mais il connaît les plats auxquels il ne vaut mieux pas toucher, de crainte d'avoir la bouche en feu. Nous faisons plus attention à Hortense, préférant pour elle du riz blanc, allongé de ghee, une sorte de matière grasse tirée du lait, si j'ai bien entendu.




Tous mangent avec les mains ; pas avec la même dextérité, bien sur, mais ça passe. Nous buvons au moins une bouteille d'eau pendant le repas, en plus de celle avec laquelle nous arrivons.

Une fois son plat fini, chacun file se laver les mains à nouveau. Alors, on peut payer l'addition, prendre quelques graines d'anis (nous sommes friands de celles qui sont enrobées de sucre) et sortir, en lançant de grands sourires de remerciements à la cantonade.

C'est le moment en général d'une bonne cigarette (après le déjeuner et le diner), en tout cas pour moi. Les enfants, Edgar en particulier, mènent une guerre de tranchée afin de nous en restreindre l'accès. Ainsi, nous apprécions d'autant plus celles que je prends, qui ne sont plus si nombreuses. Il faut dire que j'aime fumer dans l'atmosphère chaude, lourde et parfois humide de ses pays tropicaux. J'ai laissé depuis longtemps les cigarettes américaines pour adopter les Navy Cut, et plus récemment, les Scissors, qui ressemblent, mais avec un goût plus brun et acre, aux Lucky sans filtre. Quand même pas une gauloise, mais on sourit souvent lorsque je demande cette marque. Enfin, je fais des efforts. Ca va dans le bon sens.

Si c'est un petit-déjeuner, nous partons en excursion pour la matinée et revenons après le déjeuner pour un moment de repos avant d'attaquer les devoirs. La promenade de la fin d'après-midi est en général plus brève, et nous essayons de rentrer aux alentours de 8 heures et demie pour coucher les enfants.

Nous en sommes presque à la moitié de notre séjour. Notre arrivée à Mysore correspond aussi au moment où nous prenons nos marques. J'ai le sentiment d'être plus à l'aise, plus détendu, plus fluide. Contrairement à Bali, qui de donne assez facilement, tout au moins pour certaines de ces facettes, et qui en font un vrai paradis, l'Inde se mérite. Le souvenir que je gardais de mon premier séjour ici me rappelait à une certaine dureté même après plusieurs mois.

Cette impression est en place d'être remplacée par des sensations beaucoup plus nuancées. Après ces quatre semaines, je me sens bien, pleinement conscient du bonheur qui est le mien. Chaque instant, pratiquement, recèle sa part d'insolite et pour ainsi dire de « merveilleux ». Aucun de nous n'a été malade jusqu'à présent, la mer a été bonne, nous mangeons bien, et surtout, nous recevons des sourires en permanence. Le reste vient en plus. Mais ça, c'est un vrai bonheur dont je ne me lasse pas.

Je suis souvent inquiet de l'humeur des enfants, leur demandant subrepticement si cette expérience leur plaît. Je me rends bien compte qu'ils ont beaucoup de choses en tête qui les retiennent fortement à leur vie quotidienne à Saint Malo. Il est difficile de leur demander de s'abstraire de cela pour plonger dans une réalité si étrangère. Je m'étonne donc moins, de ce fait, de voir Hortense beaucoup plus en immersion dans ce pays féérique, où l'on rencontre partout des femmes habillées de jolis vêtements de princesses (les saris), où l'on rencontre des singes et des éléphants comme nous des chevaux ou des vaches. De plus, elle est choyée par toutes sortes de gens, qui vont même jusqu'à lui offrirent de menus présents, qui souhaitent être pris en photo avec elle ou la toucher bien sur. Ce qui provoque aussi chez elle des moments de répulsion, qu'il nous faut bien accepter, car nous nous mettons à sa place. Théodore, quant à lui, mémorise : les dieux, les mots et les nombres en anglais, les menus. Il s'émerveille pour les temples, les sculptures de dieux et ne joue plus à sa DS. De nombreuses statues de Ganesh ornent la maison, dont une en particulier, placée sur un autel. Ayant bien observé la manière dont les indiens prient dans les temples, il reproduit désormais plusieurs fois par jour ces prières davant l'autel.

Plusieurs fois, des indiens nous ont demandé s'ils étaient jumeaux avec Edgar ! Pour ce dernier, la réponse va de soit : Théodore n'irait pas acheter des fruits tout seul comme il l'a fait cet après-midi, ou fair edu vélo dans les rues alentour. Même s'il ferait bien d'apprendre à tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler, au contraire de Théodore plutôt peu disert en général, la stimulation que lui apporte ce voyage me ravit. La fréquentation des enfants la semaine dernière a été une occasion exclusive de découvrir certains sens de la pauvreté. Je pense qu'il a appréhendé certaines nuances qu'on pouvait apporter à la pauvreté matérielle, vu la générosite, la gentillesse, et pour tout dire, les qualités humaines de ces enfants. Intéressant de voir le cheminement de sa réflexion, réalisant d'abord la réalité du dénuement total : ces enfants n'ont pas un jouet mais un crayon et des cahiers que jonhson leur a fournis ; leurs parents sont défaillants dans leur mission qui lui semblait aller de soi jusqu'à présent. Ainsi, ils peuvent à tout moment reproduire la pauvreté et l'illetrisme de ceux-ci, à moins qu'une aide survienne. Il constate néanmoins que la gentillesse est omniprésente; il sent planer cette innoncence qui nous a tant frappés, Séverine et moi. Qu'est donc que l'opulence ? Qu'est ce qu'elle apporte ?