lundi 21 janvier 2008

Ballal Circle, Mysore




200108 – Mysore

1184, Ballakhrishna Road

16h

Séverine me disait à l'instant que nous avions quitté un monde d'innocence en terminant notre séjour chez Johnson. Et nous voulons vraiment établir un trait d'union avec ce sentiment de paix que nous avons connu là-bas.

Pour le moment, nous débarquons dans une ville plutôt sympa. C'est « la »ville du yoga, l'un des plus beau marché en Inde, qu'il me tarde de découvrir, et l'un des centres de production du bois de santal, avec lequel on fabrique l'encens, notamment.

Edgar et Théodore ont fait la connaissance d'Aroun (the driver of the sun), 10 ans, dont la famille habite une dépendance de la maison. C'est un garçon dégourdi au regard malicieux. Il nous offre un contraste saisissant avec les enfants que nous avons cotoyés cette semaine. Comme il parle anglais, les garçons sont stimulés comme jamais.

Atar, Mauritanie

« Avez-vous les Indiens ? m'a demandé le fils de l'émir d'Adrar.

- Oui.

- C'est un village ou quoi ?

- Non, dis-je. C'est un des plus grands pays du monde.

- Tiens ! J'ai toujours cru que c'était un village. »

Bruce Chatwin, dans le «Chant des pistes», se retrouve prisionnier de crues soudaines et en profite pour reprendre ces carnets de notes, afin d'en poursuivre la synthèse en vue d'un livre sur les nomades.

Je m'arrête sur cette citation, essentiellement pour ce qu'elle me rappelle. Je me suis moi aussi retrouver à Atar, il y a une quinzaine d'années, invité par un ami Sahraoui, Karim Ould Derwich. Je profite de la lecture de ce passage pour mentionner ce voyage, car il me revient souvent en mémoire ces jours ci. Je crois bien que c'était la première fois que je mangeais avec mes mains, assis sur le sol, partageant le couscous local (une sorte de blé pilé mélangé à des épices et du mouton) dans le même plat. J'ai retrouvé certaines de ses saveurs avec le « muton byriani », dont je ne me lasse pas. A fortiori quand il est servi sur une feuille de bananier, comme c'est souvent le cas dans le Karnataka.

Je retrouve aussi chez Chatwin l'un des thèmes récurrents de mon voyage en Inde : Abel versus Caïn, le pasteur (donc le nomade) tué par son frère le sédentaire, le paysan, le citadin. Je le retrouve dans une version plus classique dans cette lecture que dans mon précédent livre, « La famille royale », de Woolmann. Un roman qui situe cet afronttement dans une ville de San Francisco désenchantée, celle des bas-fonds. Là où l'humanité cotoie trop souvent la souffrance. Pas drôle du tout, et trop violent. Ce qui s'offre à moi maintenant est beaucoup plus digeste.

23h

L'installation d'un antivirus a démultiplié la virulence des bestioles qui se terrent dans mon cher ordinateur. Il m'a fallu interrompre l'activité du médecin pour revenir à mon texte.

Comme tous les dimanches, le palais des Maharadjas de Mysore (la dynastie des Wodeyar régna presque sans discontinuité de 1399, dâte de la création du royaume, jusqu'en 1947), s'illume de 19 à 20h. Ce ne sont pas moins de 97000 ampoules qui donne à ce palais un aspect féérique et enchanteur. Nous reçumes à ce moment là un coup de téléphone qui nous fît bien plaisir...

Nous continuâmes notre chemin à la recherche du grand marché. Fort heureusement, nous le trouvâmes sans trop de difficulté, alors que les enfants commençaient à trainer des pieds. Hortense pestant contre le fait que nous ne soyons pas rentrés dans le palais.

C'est le parfum des fleurs et la couleur de celles-ci mélangées à celles des pigments qui font la plus forte impression quand on entre dans le marché, et bien qu'il fasse nuit. Nous avons hâte d'y retourner le matin, d'autant qu'il ouvre à 5h.

Pour une fois, le Lonely Planet nous a fourni une bonne adresse, le « RRR Hôtel ». Les thalis et les currys surtout, les byrianis et le service étaient au rendez-vous. Une vraie cantine comme on les aime, avec du mouvement et des bons cuisiniers.

Les enfants ont désormais adopté les usages du pays pour les repas : nous nous asseyons, et avant toute chose nous nous rendons en direction du « wash ». Il s'agit bien sur de l'endroit oû vous trouverez une évier, de l'eau et assez souvent du savon. Vous secouez vos mains et passez votre commande. Nous n'avons plus besoin d'expliquer la nature des plats, pour ceux que nous prenons le plus souvent, évidemment. Edgar et Théodore sont en mesure de faire leurs propres choix. Seul Théodore manifeste encore des signes d'inquiétude quand à la quantité d'épices auquel son palais va devoir faire face. Mais il ne renonce pas et montre de la patience pour s'accoutumer. Edgar est beaucoup plus à l'aise, mais il connaît les plats auxquels il ne vaut mieux pas toucher, de crainte d'avoir la bouche en feu. Nous faisons plus attention à Hortense, préférant pour elle du riz blanc, allongé de ghee, une sorte de matière grasse tirée du lait, si j'ai bien entendu.




Tous mangent avec les mains ; pas avec la même dextérité, bien sur, mais ça passe. Nous buvons au moins une bouteille d'eau pendant le repas, en plus de celle avec laquelle nous arrivons.

Une fois son plat fini, chacun file se laver les mains à nouveau. Alors, on peut payer l'addition, prendre quelques graines d'anis (nous sommes friands de celles qui sont enrobées de sucre) et sortir, en lançant de grands sourires de remerciements à la cantonade.

C'est le moment en général d'une bonne cigarette (après le déjeuner et le diner), en tout cas pour moi. Les enfants, Edgar en particulier, mènent une guerre de tranchée afin de nous en restreindre l'accès. Ainsi, nous apprécions d'autant plus celles que je prends, qui ne sont plus si nombreuses. Il faut dire que j'aime fumer dans l'atmosphère chaude, lourde et parfois humide de ses pays tropicaux. J'ai laissé depuis longtemps les cigarettes américaines pour adopter les Navy Cut, et plus récemment, les Scissors, qui ressemblent, mais avec un goût plus brun et acre, aux Lucky sans filtre. Quand même pas une gauloise, mais on sourit souvent lorsque je demande cette marque. Enfin, je fais des efforts. Ca va dans le bon sens.

Si c'est un petit-déjeuner, nous partons en excursion pour la matinée et revenons après le déjeuner pour un moment de repos avant d'attaquer les devoirs. La promenade de la fin d'après-midi est en général plus brève, et nous essayons de rentrer aux alentours de 8 heures et demie pour coucher les enfants.

Nous en sommes presque à la moitié de notre séjour. Notre arrivée à Mysore correspond aussi au moment où nous prenons nos marques. J'ai le sentiment d'être plus à l'aise, plus détendu, plus fluide. Contrairement à Bali, qui de donne assez facilement, tout au moins pour certaines de ces facettes, et qui en font un vrai paradis, l'Inde se mérite. Le souvenir que je gardais de mon premier séjour ici me rappelait à une certaine dureté même après plusieurs mois.

Cette impression est en place d'être remplacée par des sensations beaucoup plus nuancées. Après ces quatre semaines, je me sens bien, pleinement conscient du bonheur qui est le mien. Chaque instant, pratiquement, recèle sa part d'insolite et pour ainsi dire de « merveilleux ». Aucun de nous n'a été malade jusqu'à présent, la mer a été bonne, nous mangeons bien, et surtout, nous recevons des sourires en permanence. Le reste vient en plus. Mais ça, c'est un vrai bonheur dont je ne me lasse pas.

Je suis souvent inquiet de l'humeur des enfants, leur demandant subrepticement si cette expérience leur plaît. Je me rends bien compte qu'ils ont beaucoup de choses en tête qui les retiennent fortement à leur vie quotidienne à Saint Malo. Il est difficile de leur demander de s'abstraire de cela pour plonger dans une réalité si étrangère. Je m'étonne donc moins, de ce fait, de voir Hortense beaucoup plus en immersion dans ce pays féérique, où l'on rencontre partout des femmes habillées de jolis vêtements de princesses (les saris), où l'on rencontre des singes et des éléphants comme nous des chevaux ou des vaches. De plus, elle est choyée par toutes sortes de gens, qui vont même jusqu'à lui offrirent de menus présents, qui souhaitent être pris en photo avec elle ou la toucher bien sur. Ce qui provoque aussi chez elle des moments de répulsion, qu'il nous faut bien accepter, car nous nous mettons à sa place. Théodore, quant à lui, mémorise : les dieux, les mots et les nombres en anglais, les menus. Il s'émerveille pour les temples, les sculptures de dieux et ne joue plus à sa DS. De nombreuses statues de Ganesh ornent la maison, dont une en particulier, placée sur un autel. Ayant bien observé la manière dont les indiens prient dans les temples, il reproduit désormais plusieurs fois par jour ces prières davant l'autel.

Plusieurs fois, des indiens nous ont demandé s'ils étaient jumeaux avec Edgar ! Pour ce dernier, la réponse va de soit : Théodore n'irait pas acheter des fruits tout seul comme il l'a fait cet après-midi, ou fair edu vélo dans les rues alentour. Même s'il ferait bien d'apprendre à tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler, au contraire de Théodore plutôt peu disert en général, la stimulation que lui apporte ce voyage me ravit. La fréquentation des enfants la semaine dernière a été une occasion exclusive de découvrir certains sens de la pauvreté. Je pense qu'il a appréhendé certaines nuances qu'on pouvait apporter à la pauvreté matérielle, vu la générosite, la gentillesse, et pour tout dire, les qualités humaines de ces enfants. Intéressant de voir le cheminement de sa réflexion, réalisant d'abord la réalité du dénuement total : ces enfants n'ont pas un jouet mais un crayon et des cahiers que jonhson leur a fournis ; leurs parents sont défaillants dans leur mission qui lui semblait aller de soi jusqu'à présent. Ainsi, ils peuvent à tout moment reproduire la pauvreté et l'illetrisme de ceux-ci, à moins qu'une aide survienne. Il constate néanmoins que la gentillesse est omniprésente; il sent planer cette innoncence qui nous a tant frappés, Séverine et moi. Qu'est donc que l'opulence ? Qu'est ce qu'elle apporte ?

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