samedi 12 janvier 2008

100108 – CALICUT


21h, Hotel Maharani

Le train est parti à l'heure. Nos places étaient effectivement réservées, dans la seule voiture (coach D1) du train, sans compter les deux Air Conditionned (first class), à places nomminatives. UN voyage paisible, en remontant la côte Malabar : des cocotiers à perte de vue, des rizières moins vertes qu'à Bali ou au Vietnam, un habitat clairsemé mais de bonne qualité, signe d'une certaine opulence.

Arrivés à Calicut à 11h, nous avons déchanté rapidement en visitant deux des hotels recommandés par les guides. De fait, nous arrivons dans une ville sans attraits touristiques, mais en plein développement. On se retrouve donc dans de grands hotels sans personnalité, fréquentés par des hommes d'affaires qui, le soir venu, s'abreuvent de Kingfisher et de black whiskey. Les téléphones portables vrombissent à tout bout de champ, les regards sont fatigués, le stress des affaires palpable. Changement...

Après avoir pris possession de notre chambre (with two extra beds), nous fuyons l'hotel pour une reconnaissance du centre ville en rickshaw et en point de mire, un petit restaurant, le Zain's Hotel. Nous y dégustons ce qui restera peut être le meilleur riz byriani de notre séjour. Spécialité du Karnataka, et donc musulmane, on en arrive vite à comparer ce plat avec un couscous à la mode indienne : le riz remplace la semoule marocaine ou le blé concassé du désert et les arômes sont démultipliés par les épices utilisés. Fameux !

Nous prolongeons notre repas par une promenade le long de la plage. L'ambiance est tranquille. Quelques étudiants révisent à l'ombre des quelques arbres qui jalonnent le rivage, des vendeurs de thé et de glace assurent le ravitaillement. Il fait très chaud. La grande avenue qui borde la plage est vide. Personne ne se baigne : nous sommes arrivés en territoire musulman, et les touristes n'ont pas encore impose leur culture du soleil. Nous rentrons vite pour la sieste.

Au réveil, nous constatons avec Séverine que le calme vanté dans le guide n'est pour le moment qu'un fantasme. Kochi nous apparaît comme un havre de paix et de tranquilité, dont nous ne sommes pas surs de pouvoir nous passer. Vite, nous sortons, en direction d'une fabrique de coton. La circulation est démentielle, la conduite des rickshaws et des motards vraiment dangereuse. Où sommes-nous tombés ?

On nous dépose devant une vieille batisse, qui ressemble effectivement à une manufacture, comme celle que j'ai pu voir sur Bazar Road à Mettancherry. Le show room fait plutôt pale figure. Nous n'y prêtons pas attention, car nous voulons surtout visiter la fabrique. Après quelque dicussions, nous obtenons finalement le droit d'en faire le tour accompagné par l'un des gérants. Construite au milieu du XIXème par des allemands, il apparaît bientôt qu'il n'y pas que les bâtiments à être restés dans leur jus : du filage du coton jusqu'au tissage, les outils n'ont pas changé non plus. Je suis héberlué par les impressions qui affluent. Alors que j'avais en tête l'image des machines à tisser assistées par ordinateur, nous franchissons le seuil d'une grande salle de plusieurs centaines de mètres carrés.


On est aussitôt submergés par le cliquetis des navettes en bois qui vont et viennent sur les métiers. Ce sont probablement les mêmes que les allemands ont installés (nous verrons par la suite l'atelier de menuiserie où sont réparés tous les outils de la fabrique). La lumière arrive parcimonieusement, accentuant l'effet produit par la poussière et surtout par les trois quarts des métiers laissés à l'abandon. On se demande déjà comment une production aussi artisanale est encore possible : productivité égale à zéro, si on tient compte de la performance des concurrents et prix de revient non négligeable, même pour des salaires de misère. C'est simplement fascinant. Tout est beau : les effets d'ombre et de lumière sur les corps des hommes qui manient ces antiquités, la symphonie des navettes, l'immensité du lieu striés par l'enchevêtrement des machines laissées là. Mais il nous faut avancer, l'heure de la fermeture approche et cette visite doit se faire au pas de charge.



Nous remontons la filière et arrivons au filage. Là, deux rangées d'ouvrières en sari, tout sourire, filent le coton à la roue. Elles sont surveillées par un contremaître sévère qui ne semble pas goûter le trouble provoquer par notre présence. Tout se passe comme si nous étions remontés dans le temps. Je crois que les enfants ne réalisent pas ce qu'ils voient. Les conservateurs des musées d'art et tradition populaire, où je ne sais plus quel nom on leur donne, seraient verts de jalousie en contemplant ces tableaux. Il se dégage de cet ensemble une vraie magie auxquels les sourires qui nous sont offerts contribuent grandement. On nous rouvre l'atelier de teinture qui avait déjà fermé. Là, le coton est immergé dans une eau portée à 70°C. Le gérant est fier de nous annoncer que la cuve qui sert à le sécher ensuite date elle aussi de la fin du XIXème. Je lui fais réaliser qu'elle a quand même du être transformée pour passer d'un fonctionnement au charbon à l'électricité; ce dont il convient. On apereçoit les amoncellements de pelotes colorées. Puis, en sortant, nous jetons un ultime coup d'oeil à la chaudière, dont le fonctionnement est assurée par la combustion de noix de coco.

Et voilà !

J'ai déjà envie d'y retourner.

En sortant, nous plongeons dans les turbulences du quartier commerçant. Les enfants ne supporteront pas longtemps cette immersion. Ici, la population n'est pas habituée aux visiteurs, et nous sommes sans cesse interpellés, touchés, regardés. C'est dans ces conditions que l'Inde se révèle réellement à mon sens; c'est comme ça qu'on découvre une partie de son vrai visage. Malgré tout très souriant, mais oppressant dans sa masse, accablant par la chaleur, et parfois inquisitrice dans les regards que nous jettent certains musulmans ou encore plus ces pélerins hindous, les hommes en noir, que nous avons retrouver dans les gares en particulier.

Et si ce n'était la nécessité de préserver les enfants, je me sentirais vraiment bien. Il faut songer en effet à trouver un autre lieu plus spacieux, et surtout plus calme. C'est ce type de situation que j'appréhendais; nous y sommes maintenant. Il s'agit d'inspirer le calme et la paix pour ne pas se laisser envahir par ce semblant d'hystérie collective, essentiellement du à la masse. Car en fait, les regards que je croise, les paroles échangées en continu avec les uns et les autres sont très accueillants et prévenants à l'égard des enfants.

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