Mettancherry – 080108
23h30
Un fonds de mélancolie m'envahit ce soir à la pensée de notre départ. Treize jours, c'est plus qu'il n'en faut pour découvrir la ville, en apprivoiser ses méandres; c'est juste suffisant pour « établir ses quartiers », pour cristaliser sur des noms de rue, de lieux, autant de souvenirs et d'images qui façonnent la relation affective. Une relation qui s'établit sur la récurrence de la fréquentation. C'est par le nombre de visites, et parfois les achats qu'on y fait, que les marchands et autres habitants d'une rue s'habituent à vous et réciproquement. La reconnaissance mutuelle prend du temps. Mais quel plaisir alors, de s'arrêter pour dire bonjour aux marchand de fruits secs, au pharmacien ayurvédique et son voisin qui pratique la médecine allopathique. Quel plaisir d'arriver chez l'épicier, avec sa longue barbe et sa voie grave, pour acheter les oeufs, le lait et le pain du breakfast. Parfois, un conducteur de rickshaw ralentit pour nous saluer, le vendeur de tchaï du coin de la rue m'interpelle pour savoir si je ne suis pas preneur.
Bref, on prend des habitudes, qui nous éloignent de la surprise. C'est pourquoi je n'ai pas encore parlé de certains lieux, alors que ce sont ceux que je fréquente le plus : the bakery, qui n'a qu'un lointain rapport avec notre boulangerie et le cybercafé pour ne prendre que deux des plus emblématiques. Dans la boulangerie, des gateaux de toutes les couleurs sont exposées dans des vitrines, non réfrigérées. On se demande comment ils peuvent supporter la chaleur... On y trouve surtout tout une variété de snacks frits : des chips de radis noirs (plain ou masala, c'est à dire natures ou épicées), des sortes de petites spaghettis frites et épicées, des samosas, des cutlets (ces galettes de lentilles), et des feuilletés à la viande ou aux légumes, hérités là encore de la tradition britannique.
Toph
Le cybercafé. Je pourrais généraliser la présentation du lieux : un espace plus ou moins grand, délimité par des boxs fermés par des portes battantes. Ceux-ci sont si exigus que vous avez à peine la place d'y rentrer, et qu'il vous faut calculer votre mouvement pour vous glisser sous la table qui supporte l'ordinateur. Celui-ci est, en général, non pas forcément une antiquité, mais si usé, le clavier en particulier, que son usage en devient difficile. Fort heureusement, la connexion est relativement rapide; ce qui compense quelque peu l'inconfort subi. On laisse de coté les virus.
La plupart du temps, les « chatworld », « internet cafe », sont envahis par des adolescents qui jouent à des jeux en réseaux ou par des adolescentes absorbées par MSN ou Yahoo Messenger. Bref, des occcupations identiques à ce qu'on peut voir en France ou ailleurs.
- A l'extérieur de la maison, une femme s'escrime sur une lessive avec son battoir. Nous avons peu recours à ce type de service (merci Séverine !), ce qui nous permet d'avoir encore nos vêtements. Sinon, nul doute qu'ils seraient déjà usés jusqu'à la corde. Quoi qu'il en soit, nous sommes partis avec le minimum, et avec des tee-shirts et autres shorts qui commencent déjà griser et à s'élimer. -
Nous sommes problablement allés pour la dernière fois au Sree Krishna Cafe, ce midi. Ce « family restaurant » était devenu, au fil des jours, notre cantine. Aéré et pourvu d'une vraie salle, nous y avons dégusté les plats traditionnels du Kerala servis sur trois services distincts. Nous avons même découvert un plat qui n'est autre qu'une galette comme nous en mangeons en Bretagne. Mis à part, bien sur, que celle-ci se mange à la main, et qu'elle est garnie de légumes masala...
C'est à proximité, au cours de nos promenades digestives sur Palace Road, que nous nous sommes fournis en ustensiles de cuisine. Pour être plus exact, nous avons sympathisé avec ce magasin dans lequel Séverine s'est procurée une grande lunch-box. La lunch box est ici une véritable institution. Ce sont des récipients de métal, de plusieurs tailles qui peuvent aller par deux, trois, quatre, cinq ou plus. Les écoliers en sont munis pour aller à l'école, les employés de bureau et tout autre type de travailleurs. A l'heure du déjeuner, dans des restaurants comme le Sree Krishna, on voit repartir des personnes avec plusieurs déjeuners. Comme c'est un ustensile qu'on emporte avec soi, les boutiques vous proposent de le personnaliser en y gravant votre nom, par exemple.
Et puisque nous en sommes à parler des achats, je me dois de faire une allusion au plaisir que nous nous sommes donnés Séverine et moi. Commençons par le Pashmina. Je suppose que les lectrices qui entendrons ce teme sauront immédiatement à quoi je fais allusion : un chale d'une délicatesse et d'une finesse sans comparaison (sauf le Shawtoosh, dont la production est officiellement interdite). Bref, nous avons pu trouver quelques boutiques qui vendaient effectivement des pashminas de première qualité, et suite à une négociation que j'espère heureuse, nous avons craqué. Avis aux amatrices.
En ce qui me concerne, je suis tombé sur la perle rare : une bague afghane que je recherchais depuis des années. Inch Allah, puisse-t-elle me porter chance. Je ne puis m'empêcher de faire une dédicace spéciale à une personne proche, qui appréçia peu ma bague berbère, et qui devrait trouver celle-ci encore plus exubérante, notamment par la sourate du coran dont est ornée la pierre
090108 – 17h
Nous sommes retournés une dernière fois, ce matin, assister au retour des pêcheurs et prendre notre petit déjeuner. L'accueil autour de la roulotte fut des plus cordial, pour notre plaisir.
Nous avons pris notre temps, avant d'embarquer sur le ferry pour Ernakulam. Ce qui nous a permis d'assister à une bonne partie de la vente à la criée. Certes, nous n'en sommes pas encore aux enchères électroniques. Là, les pécheurs arrivent avec leurs poissons, les posent sur un sac de jute autour duquel se réunissent les enchérisseurs. Alors commence la litanie des prix, lancée d'une voix puissante et à un rythme soutenu par l'adjudicateur. Aussitôt achetés, les marchandises sont soulevées de leur sac et vidées dans un bac. On passe à un autre sac et ainsi de suite. Il règne une atmosphère de franche camaraderie chez ces hommes qui se cotoient tous les matins. Quelques touristes matinaux errent alentours, surtout pour assister au manèges des carrelets. Ce faisant, même si je suis resté en arrêt moi aussi devant cette pêche majestueuse, elle était comme une belle toile de fonds ce matin pour mettre en valeur cette scène beaucoup plus animée de la criée. C'est là que ça se passe, comme autour de la roulotte, où tout le monde se retrouve à un moment ou à un autre, comme un café du commerce le matin.
Bye, bye Kochi !
Nos billets de train sont réservés. Départ prévu jeudi 10, à 06h40, sur le Cannore Express 6305. En route vers l'inconnu.
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