22h00
J'ai du mal à déterminer le contenu du spectacle audiovisuel qui se produit sur le coteau qui nous fait face, au-delà des rizières. La puissance du son est en tout cas suffisante pour que je m'en sente très très proche. A entendre les mélodies sirupeuses qui se succèdent, entrecoupées par une voix off qui semble présenter le show, j'aurais volontiers vu un karaoké, mais les voix ne sont pas assez fausses. Finalement, j'ai cru entendre des applaudissements, si bien que cela doit être un concert qui reprend des airs fameux de Bollywood. Quoi qu'il en soit, la campagne en est toute retournée, et les chiens alentours accompagnent les chansons de leurs hurlements.
Finalement, tout ça doit avoir une conotation religieuse, puisque qu'un assez long discours vient de se terminer par un tonnerre « d'allelluia » !
La visite de la réserve sauvage nous a quand même mis à proximité d'un couple d'éléphants et de de leur éléphanteau, de quelques daims et biches ainsi que de paons à foison. Pas si mal, finalement. D'autant que nous avons pu apprécier notre petit déjeuner au coeur de la réserve, avec un bon curry.
Nous décidons de nous rendre dans un temple, un peu à l'écart de notre route. Certaines parties de celui-ci sont vieilles de plus de deux mille ans. Comme il se doit, nous laissons nous sandales à l'entrée, et gravissons l'escalier qui débouche sur l'esplanade. Les dalles sont sculptées de haut reliefs. Nous faisons le tour du temple, dont l'accès est interdit aux non indhous (même vêtus à la mode locale, on ne peut pas faire illusion). Mais l'intérêt du lieu est ailleurs. Les gens viennent ici pour effectuer leurs premières offrandes après la mort de proches, passé le deuil des quarante jours. Avant de se rendre au temple avec leur « pujas » (offrande), ils doivent au préalable les sanctifier dans une rivière qui coule à proximité. Là, des brahmanes procèdent au rite de l'immersion des pélerins ainsi que de leurs pujas. La scène est d'autant plus saisissante que des centaines de papillons mauves survolent ces quelques dizaines de mètres de rivière coulant au milieu d'un couloir de roches polies.
L'engouement pour la jeep est passé depuis longtemps et le retour s'avère épuisant pour nous tous. Le repas et la sieste sont appréciés à leur juste mesure, avant que les enfants ne reviennent pour la leçon du jour.
Nous avons à peine le temps de descendre dans les rizières pour le coucher du soleil que nous devons remonter pour assister à un rituel orchestré par les deux shamans de la tribu. Après la sanctification des offrandes (noix de coco, bananes, avoine), le chant, rythmé par des percussions sèches, démarre, scandé comme une litanie. L'un des deux shamans nous surprend lorsqu'il semble atteint de convulsions, signe d'une transe et de l'entrée en matière des Dieux. Son chant s'arrête et il entame une danse qui rappelle les images qu'on nous ressort régulièrement des raveurs devant les murs d'enceintes. Nous comprendrons par la suite que les dieux lui ont signifié qu'une maladie allait s'abattre sur nous. Nous sommes pétris d'angoisse à cette annonce. Heureusement, les prières qui suivent permettront au sort d'être modifié : nous devrions nous en sortir sans trop de séquelles.
Il y a peu encore, ces rites étaient encore secrets et réservés à l'usage exclusif de la tribu. Le fait qu'ils puissent désormais se produire devant une assistance profane, qui plus est munie d'appareils photo, nous permet de penser que nous avons maintenant à faire à du folklore. La perplexité nous envahit évidemment, et l'on prend conscience rapidement que le sens d'un tel rituel ne peut émerger que dans la réciprocité de la croyance.
Je suis nénamoins satisfait et heureux d'avoir vécu ce moment. Et la béthel qu'ils nous font macher ensuite parfait la cordialité de cet échange.
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