mercredi 16 janvier 2008

Unni Sadam (la maison des enfants)


Thrisellery

Le 150108, 9h30

A peine sortis de l'agglomération de Calicut, la route se prend dans des méandres pour gravir la montagne. Le plus haut point de la contrée s'élève à 1800 mètres. Nous n'en sommes pas là. Cependant, quand le soleil se couche, la température chute pour descendre sous les 10°C.
Nous avons traversé de beaux paysages et quitté la circulation pour trouver la campagne, les plantations de café, de thé, de poivre et de bananiers. Nous avons gouté les grains de poivre frais qui explosent littéralement dans votre bouche, et enflamment le palais; une merveille ! Nous avons décortiqué les grains de café à peine mur, pour découvrir les deux moitiés qui le composent et qui donneront les grains que nous connaissons. Les feuiles de thé, en revanche, n'ont pas de goût ni de parfum pour le moment. Nous essaierons d'en savoir plus sur la transformation qu'elles subissent, en allant visiter une fabrique.



Nous sommes arrivés dans un petit coin de paradis. Après avoir franchi quelques cols et nous être perdus en fin de parcours sur des chemins de terre, une vieille maison traditionnelle, plantée sur le flanc sud d'un coteau nous a ouvert ses portes. EN contrebas, des palmiers (bethel nut) haut d'une trentaine de mètres laissent entrevoir des rizières qui s'étendent sur quelques hectares. Le coteau en lui-même est recouvert de plans de café, de bananiers et autres arbres exotiques. Le moteur à explosion brille par son absence, ainsi que les corneilles, véritables pigeons des villes, remplacés par une variété inconnue d'oiseaux aux cris reposants.

Jonhson habite seul cette maison, secondé par Paulus, un vieil homme grand et sec, qui l'assiste dans les tâches ménagères. Nous goûtons avec lui une cuisine simple, familiale, et on ne peut plus traditionnelle. Tout est bon. Lorsque Jonhson acheta le terrain, la maison ne fut pas valorisée dans le prix; le propriétaire considérait que son âge et le fait qu'elle n'ait pas été habitée pendant une dizaine d'années lui enlevait toute valeur. Pourtant, son architecture traditionnelle et les matériaux de sa construction sont le gage d'une qualité qui ne se démentira pas.


14h30
Nous sommes sous le charme. Les rares personnes que nous avons croisées ne nous prêtent qu'une attention polie, très discrète en tout cas. Rapidement, nous passons à table : riz rond blanc, curry de poissons (des sardines cuitent dans un bouillon très épicé), curry de haricots, yaourt salé (accompagné de piment, oignons et gingembre), papadum, piments frits (séchés, marinés ensuite dans du yahourt et frits ensuite)...
A peine avons-nous fini que les premiers enfants arrivent. Sourires charmants et simples.
Ils sont une trentaine à se rassembler sous une grande hutte de paille et à s'asseoir pour faire leurs devoirs. Tous ces enfants viennent d'un village tribal se trouvant un peu plus haut dans la montagne. L'environnement est des plus pauvres qui soit ; mais ils subissent surtout une dévalorisation de leur condition quasi institutionnalisée. Dans les écoles qu'ils fréquentent, ils sont la risée des autes enfants, même si ceux-ci ne sont pas mieux lotis. Aussi le premier objectif du centre est-il de leur redonner le sentiment de leur dignité. Bien sur, cela passe par une assistance scolaire que leurs parents ne sont pas capables d'assurer. Beaucoup d'entre eux sont alcooliques, d'autres ne sont même plus là, si bien que les enfants vivent chez des voisins.
Nous passons deux heures en leur compagnie. Hortense entame une série de dessins qu'elle offre à des petites filles, qui le lui rendent bien.
L'atmosphère est studieuse, les enfants posés et simples. Surtout, ils observent, la plupart d'entre eux n'ayant jamais vu de petits blancs d'aussi près.

Paulus, après nous avoir servi un tchaï, reprend sa cuisine au feu de bois. EN compagnie de Jonhson, nous prenons le chemin de terre pour assister au coucher du soleil sur les rizières. Tout est si paisible. On renoue avec le rythme ancestral de l'agriculture. Quelques personnes traversent, au loin, notre champ de vision, nous croisons des voisins; on s'arrête pour des présentations souriantes. La nuit tombe rapidement.

Nous apprécions tout autant le diner, encore sous le charme de ce moment qui nous est offert. Jonhson nous raconte l'histoire de sa vie, commencée dans une famille nombreuse et catholique du Kerala. Après une quinzaine d'années chez les frères, sa vie bifurqua vers de nouvelles aventures, mais toujours au service des enfants déshérités, dans des contrées reculées. Puis à la suite d'une rupture, le temps vint pour lui de rentrer au Kerala pour démarrer un nouveau projet. Son implantation ici est toute récente, l'inauguration du centre ayant eu lieu fin décembre. Mais déjà, fort de ses expériences passées, il exprime sa vision du projet pour les quinze années à venir. Entièrement centré sur les enfants, le centre doit à la fois se développer économiquement pour atteindre une forme d'autosuffisance, pour développer des emplois et pour assurer l'éducation des élèves jusqu'à leur maturité.
Je me demande comment nous pourrions l'aider. De fait, le lieu est si « peacefull », que j'envie les personnes qui pourront venir séjourner ici plus tard, en particulier si elles sont capables d'apporter quelque chose aux enfants.

Cette nuit, nous avons retrouver les couvertures et redécouvert le silence. Pas un bruit, hormis ceux de la forêt. Ce matin, Paulus nous avait chauffé une grosse marmite d'eau à larrière de la maison pour que nous puissions nous laver à l'eau chaude. Après un petit déjeuner indien frais et épicé, nous sommes allés visiter une fabrique de coton apartenant à l'état. Là, les ouvriers dorment sur place dans de petits cottages qui font penser aux habitations des mineurs du nord de la France. Les ateliers tournent au ralenti, mais les machines à tisser sont en métal, plus modernes que celles que nous avons vues à Calicut. C'est une véritable entreprise collective, avec toutes les contraintes qu'on peut imaginer : aucun esprit d'initiative, hierarchie schlérosante, ... Malgré ou à cause de cela, les prix des quelques produits qui traînent dans le stock, pour cause de surstock, de problème de livraison ou autre, sont à des prix dérisoires. Je repars avec un longui et une chemise, souvenirs de Thrisellery.

Finalement, nous devrions restés au moins trois jours ici : pour rencontrer plus avant ces enfants et essayer de partager ce que nous pourrons avec eux; pour faire un petit safari dans la réserve et apercevoir des éléphants sauvages, pour nous baigner dans une rivière; plus simplement par ce que nous nous sentons vraiment bien ici.

Les garçons peuvent aller jouer au foot dans les rizières, remonter dans la forêt, voir les bucherons couper les palmiers; nous n'avons pas à les surveiller.
Je vais devoir parcourir une bonne demi-heure de bus avec un changement pour me connecter, en esperant que je ne me perde pas. C'est cool, c'est loin. C'est le luxe, le calme et la volupté des sens.


4 commentaires:

Anonyme a dit…

hello les amis , petits et grands.
je profite d'une journée suspendue pour vous lire.je viens de passer une heure et demi avec vous en inde à voyager. les vicissitudes du rail, la découverte de fabriques, l'architecture, le regard enjoué des enfants, la forêt...
pour tout ça merci.
je vous embrasse bien affectueusement tous les 5 et surtout profitez un peu pour moi.
bon vent et belle mer à vous, que la paix du bouddha
vous baigne.

Anonyme a dit…

Jonhson,

Difficile d’imaginer comment pouvoir aider un homme d’une telle générosité.
D’ici, je me dis quand même quand que la curiosité portée à son investissement est probablement pour lui déjà un grand signe de reconnaissance. Qui d’autre que vous à su porter à une simple invitation comme celle-ci (je crois, sans vouloir te relire, que tout part de là) l’attention que vous lui accordez ?
Je suis bluffé et découvre tout comme Jonhson la disponibilité que vous êtes capables d’accorder à qui veut la recevoir.
Une nouvelle séquence dans ce voyage avec Thrisellery, alimentée par une liberté largement perceptible dans ces nouvelles notes, contrastant avec l’évidente difficulté de s’immiscer parfois que Séverine à dû affronter à Calicut.
Je retrouve là, et Christelle ne me contredira pas, des difficultés rencontrées au Mali…
Bonne continuation, à plus tard.
Qu’est ce qu’on va lire quand vous allez rentrer ? Même si « Marianne » tente de nous faire voyager, en business class, et minimum, ici c’est un peu la mousson tous les jours…Elle est où la révolution dont tu m’avais parlé ?

Gilles.

Anonyme a dit…

bonjour
je voulais avoir où
vous allez aller apres
au revoir
marie-julie

Anonyme a dit…

Salut les routards, il est difficile de vous écrire un roman, suite à la lecture du votre. Je vous envois juste un petit mot de remerciements et d'encouragements. Mes amitiés à Jonhson.
Bisoux.
Jean-René
Et Fabienne