mercredi 16 janvier 2008

Last day in Calicut (Khozikode) ... (2 days ago)



120108, Maharani Hotel – 21h20

Finalement, nous sommes toujours dans cet hotel. On prend vite ses habitudes, à défaut de s'y plaire. Demain, nous quittons Khozikode pour Manantav, un village haut perché dans les ocntreforts motagneux, sur la route de Mysore. Je vais sans doute regretter mon pull marin, resté à Kochi. Mais avec tout le bruit que nous avons subi ces derniers jours, nous nous figurons que cette étape sera celle du silence, et peut être celle d'une rencontre.
A 11h, le taxi sera à la réception, prêt pour le départ.

Cette ville moyenne (1,3 millions d'habitants) est sans doute ce que nous avons vu de plus représentatif de l'Inde. Une ville toute de bruit, de gens qui vont et viennent dans tous les sens, d'immeubles en construction, innondée de panneaux publicitaires, offrant les contrastes standards d'une société en pleine découverte de la consommation. A la différence du Vietnam, ou de la Chine, qui, du fait de plusieurs décennies de régime communiste, ont connu une certaine forme d'aculturalisme, l'Inde, au contraire, en est pétrie dans tous ses méandres. L'Inde tri-millénaire se regarde et se reproduit, au rythme de plus de 20 millions d'âmes supplémentaires tous les ans. Sauf que le mobile est rentré dans les moeurs, que le satellite apporte des flux de programmes en provenance des quatre coins du monde, que monsieur Tata, le tycoon indien, vient de lancer la « nano », petite voiture qui doit être vendue à environ 1500 euros... On ne reviendra pas sur l'encombrement des routes, sur la réduction induite de la vitesse, et par conséquent, sur l'augmentation de la pollution au dioxyde de carbone. Les années à venir risquent d'accélérer la transformation des villes indiennes en enfer.
On reviendra sans doute sur les programmes télévisés qui nous vendent l'image d'une famille indienne libérée des carcans de la culture (les castes, la religion, les obligations, les mariages arrangés). On y voit des femmes « occidentalisées », dansant, nageant, élevant leurs enfants avec des produits Catburry ou Danone. Surtout, on voit les affiches de films Bollywood, copies de films d'action américains, avec là encore des femmes agressives, à moitié dénudées. Mais à Calicut, on ne percute pas. Le regard des hommes sur Séverine est insistant, gênant bien sur dans la mesure où ceux-ci ne s'encombrent pas de la moindre discrétion et vont plonger leur regard sur son corps, comme si elle n'existait pas en tant que personne. Il y a là, indéniablement, objet de fantasme. Et je ovis dans cette exacerbation la tension entre la culture prude, manifestement dévalorisante pour le statut de la femme, et l'image produite et diffusée par différents médias de la femme occidentale; quand bien même celle-ci prend le visage d'une femme indienne dans les films, clips vidéos, et autres publicités. Je ne vois pas cette femme là à Calicut.
On est obligé de parler de ça, car s'il y a un indicateur éloquent de l'identité d'une culture, c'est bien le statut qui est accordé à la femme. On comprend mieux pourquoi Goa, Varkala ou Kovalam sont de vraies réserves à touristes : ce sont simplement des endroits, des enclaves devrais-je dire, ou l'on est moins regardé, la femme en particulier.
Nous étions hier à Kappad, un autre village de pècheur au nord de Calicut. La plage a été valorisée par un hotel de luxe qui s'y est installé. Comme partout ailleurs, les pécheurs sont là, à dormir, manger, jouer aux cartes, en attendant que la journée se passe avant d'entamer une nouvelle pèche le lendemain matin. Séverine, peut être en excès de ocnfiance, se met en maillot. Il n'aura pas fallu longtemps avant que deux hommes ivres ne l'abordent et ne manifestent un comportement pour le moins déplacé.
Passons notre chemin...

Pour revenir rapidement, quand même, sur la folie des bus, qui prennent le moindre chemin pour une autoroute. Séverine m'en voudrait de ne pas y faire une allusion. Il faut faire appel aux théories et sortir du concret. Ainsi, si vous êtes dans un avion et penser sans cesse au « vide » (qui n'en est pas un justement) qui vous sépare du sol, vous appréhendez mal la situation. Il en va de même pour la circulation en Inde. Aucune signalisation ne vous permet de distinguer la limite entre la gauche et la droite : quand un bus en double un autre, ce qui est en face doit ralentir, se ranger, ou s'arrêter. Seulement, ce n'est pas aussi simple, car les rickshaw, piétons, volailles, chèvres, vélos ne s'arrêtent pas ! Alors on doit changer son mode de perception. J'ai opté, en ce qui me concerne, pour une théorie qui s'apparente à celle des fluides. La frénésie dont est prise le chauffeur de bus, de rickshaw ou de taxi, beaucoup plus ici que ce que nous avions pu voir avant, est en décalage total avec la placidité des bonshommes. Alors que je faisais une séance photo dans la grande gare routière, « New bus stand », hier, j'ai tiré le portrait de drivers à la mine hilare. Mais dès qu'il se mettent en route, plus rien ne transparaît et la route devient un enfer. Aussi éviterons-nous les longs trajets en bus. J'aime bien pourtant. J'ai d'ores-et-déjà eu le temps d'observer attentivement leur mode de fonctionnement, avec un homme à chacune des deux portières, et un controleur à l'intérieur. Les deux portiers scrutent le bord de la route, à la recherche du moindre passager : un coup frappé sur la portière et le chauffeur doit s'arrêter. Deux coups et il repart. Il doit faire vite, et parfois, on ne s'arrête même pas : la réussite du trajet est liée aux nombres de passagers. Tant qu'on peut entasser, on pousse. Pour cette raison, et comme le nombre de bus qui croisent sur la route est important, il importe de ne pas suivre immédiatement un comparse, qui va ramasser en premier tout ce qu'il y a à prendre. A la moindre occasion on le double, avant de se faire redoubler, sauf si on va assez vite pour créer une distance de sécurité.

Aujourd'hui, dimanche, nous avons fait comme les copains du coin. Ce matin, on a flaner sur l'une des artères commerçantes du centre, où les étals de toutes sortes s'étendent devant les pas de portes fermés. L'ambiance est plus décontractée; comme la circulation est moindre, les hâbleurs retrouvent la parole pour attirer le chaland. Ca parle de roupies, de vêtements, d'insecticides et de dératisation, de jus de fruit.
Et cet après-midi, comme les copains, nous sommes allés au parc. Pendant deux heures, nous avons joué à être l'attraction de la foire : nous nous sommes emparés du terrain de basket (nous nous trimballons un ballon de foot) et avons finalement réussi à vaincre les réticences de quelques gros durs, prêts à vaincre leur peur du ridicule pour jouer avec nous. Evidemment, comme à peu près personne ici ne parle anglais, et ne connaît les règles du basket, le jeu est resté limité. C'était quand même drôle. Nous sommes revenus à pieds en faisant au préalable le tour du parc. Il faut s'imaginer que les squares, voire les parcs améangés avec des jeux pour les enfants sont assez fréquents. Le problème, c'est que le climat, rythmé par les pluies diluviennes des moussons et les canicules de la saison sêche, accélèrent le processu de délabrement de tout type de matériel, y compris bien sur ceux-là. Aussi, tous les jeux sont-ils rouillés, cassés par un usage trop intensif, les parterres sont asèchés, les petits bassins d'agréments vides ou remplis d'une eau croupie. Et la poussière. Omniprésente, salissante, elle envahie tout les recoins. Mais cela n'entâme point la bonhommie de nos familles, dont les enfants sont déguisés plus qu'habillés par des vêtements de poupées barbie kitch au possible, maquillées, bien sur pour les filles, de venir se prélasser sur la maigre pelouse du parc.

Je suis en train de me faire assaillir par des bataillons de moustiques. Aussi vais-je de ce pas retourner dans la chambre pour retrouver Bruce Chatwin et les « Songlines », récit de son périple en Australie. Nul doute que cette nuit soit à nouveau une bonne nuit, bercée de rêves qui nous semblent beaucoup plus nombreux ici qu'à la maison...

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